Variations

2020-2021

Concert-performance-exposition

Projet de diplôme à l’Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs, Paris

©Mathieu Fulaomi


« Variations » propose la plongée du spectateur dans un jeu entre sculpture et arts sonores, entre musique contemporaine et formes installées dans l’espace. Qu’est-ce qu’on regarde ? Qu’est-ce qu’on écoute ? C’est là les questions que j’aimerais que l’on se pose devant cet ensemble hétéroclite de chimères : ce ne sont pas tout à fait des sculptures, ni tout à fait des instruments, des formes hybrides à la lisière de ces deux champs que j’explore. Ce n’est pas non plus tout à fait un concert, ni tout à fait une exposition. C’est plutôt un entre-deux où les formes s’associent aux sons pour donner lieu à une situation où l’écoute et la vue travaillent ensemble, dans un retour aux sources, à la source du son : la vibration de la matière. Non pas comme un geste nostalgique, un goût pour le vintage et l’analogique, mais bien plutôt pour redécouvrir la potentialité sonore de ce qui nous entoure, et la portée politique et écologique de notre écoute. C’est prendre l’habit d’un chercheur de sons cachés, du souffle des objets, la position d’un explorateur facétieux de son environnement, à l’écoute des variations infimes du continuum sonore, à l’affût des surprises que lui offriraient les matériaux. « Variations » est un espace d’hybridation de formes, anciennes ou nouvelles, tirées du folklore et de l’artisanat, ou bien de la modernité technologique. Faire se confronter ces univers, ces histoires, les mettre face à face, les observer échanger, puis tisser des liens entre des choses séparées. À travers ce jeu, c’est retrouver le sens d’une expérience collective, du partage de nos perceptions, à la fois vécues intérieurement, et mises en commun par la création de cet espace et de ce temps à part. Retrouver le sens presque sacré de la musique et du son, celui d’une expérience qui relie les individualités, qui les soude en communauté.










Pneuma

2021

2021, toile vinylique, PVC, soufflerie, dimensions variables

©Antoine Girard
©Clément Boute - vue de l’exposition «Des soleils encore verts» au CAC Brétigny

« Souffle continu, sur Pneuma de Jérôme Girard », par Lisa  Colin, 2021, (collectif Champs Magnétiques)

« Dans une esthétique truculente et organique, proche du Jardin des délices de Jérôme Bosch (1494-1505), la cornemuse de Jérôme Girard irrigue tout un environnement sonore. Poumon géant alimenté par une soufflerie automatique, la sculpture en toile se gonfle peu à peu, inspire, souffle. Par sa respiration, l’instrument fait sonner une flûte harmonique dont la hauteur varie selon le débit et la pression de l’air. Pneuma s’accorde aux structures environnantes : une fermentation de gingembre qui crépite dans une amphore ou des antennes-bourdons alimentées par un réseau de tuyaux. Devenues instruments, ces pièces qui expirent de longues notes tenues constituent autant d’éléments d’une seule grande partition. La succession des accords dévoile l’intérêt de l’artiste pour la musique minimale – courant du XXe siècle développé, en partie, grâce aux expérimentations du compositeur américain La Monte Young. Construit dans une grande économie de moyens, ce corps-paysage ne sonne pas en continu : les sculptures dispersées sont en attente de vibrer sous l’impulsion d’un souffle, avant de (re)devenir un décor silencieux. Jérôme Girard travaille à partir de matériaux récupérés, détournés, assemblés, mêlant une toile cirée à des tubes métalliques, du bois et de la céramique à des ensembles mécaniques. Ce faisant, il joue d’aller-retours constants entre objets artisanaux et manufacturés, outils et instruments, archaïsme et futurisme. Par un travail sculptural aussi énigmatique que poétique, l’artiste convoque la vie antérieure des objets, produisant l’écho d’un monde ancien, comme une résurgence. »











Bourdons (rhiz’o’matic) 


2021

Métal, PVC, liège, caoutchouc, soufflerie, robinetterie

Dimensions variables

©Clément Boute - vue de l’exposition «Des soleils encore verts» à Mains d’Oeuvres
©Louis Lallier
©Jérôme Girard

« Low Tech, Sur l’aspect écologique du travail de Jérôme Girard » par Tom Rowell, 2021 (collectif Champs magnétiques)

« Les sculptures sonores de Jérôme Girard ont un air étrangement familier. Leurs formes nous rappellent des objets qui passent souvent inaperçus : des paraboles et des antennes 5G. Mais la fabrication et la fonction de ces sculptures sont très différentes des outils de communication qu’elles simulent. Elles sont faites de matériaux modestes : du bois, des tuyaux métalliques récupérés. L’artiste en assemble les éléments à la main, intuitivement, les ajustant pour trouver des sons qui lui plaisent.

Ces sculptures sont des technologies très simples. Les quantités d’énergie, d’information et de matière nécessaires à leur fonctionnement ne sont rien en comparaison des besoins de leurs sosies high tech. Les œuvres invitent ainsi à une lecture écologique : dans son traité L’âge des low tech, Philippe Bihouix défend que l’adoption générale de technologies peu complexes nous permettra d’éviter l’effondrement écologique.

Internet est une vaste infrastructure dont on peut oublier l’existence réelle, matérielle, géographique. Comme James Bridle le constate dans son livre New Dark Age, cette infrastructure physique est dissimulée au profit de la métaphore du nuage (cloud computing) qui suggère une immatérialité mensongère. Les sculptures de Jérôme exigent quant à elles une attention à notre environnement. En émettant des sons, souvent discrets ou intermittents, elles viennent aiguiser notre perception : ainsi, nous prendrons garde aux objets dont ils partagent la silhouette. »








Ritournelle

2019-2021

Bois, métal, moteur, haut-parleur et boucle audio 

120 x 250 x 120 cm

©Clément Boute - vue de l’exposition «Des soleils encore verts» à Mains d’Oeuvres

« Non, tu ne crieras pas plus fort que moi, Sur Ritournelle et Porte-ta-voix de Jérôme Girard »
par Marie Plagnol, 2021 (collectif Champs Magnétiques)

« Au bout d’une chaîne métallique, tournent quatre pavillons en aluminium. S’en échappe un son furtif, l’enregistrement distordu d’un signal sonore quotidien. Celui-ci vient du métro, il aurait aussi bien pu s’agir d’une sirène policière. Jérôme Girard détourne avec la sculpture Ritournelle l’un des nombreux sons utilisés pour donner des indications sur les usages attendus d’un espace, ou comme un avertissement contraignant.

Avec Porte-ta-voix, l’artiste remodèle à partir d’un cône en plastique glané et de bois travaillé de ses mains un objet aux usages contraires. Utilisé par les militant·es pour lancer des slogans en manifestation, comme par les représentant·es du pouvoir pour contrôler les foules, le mégaphone cristallise les oppositions. L’instrument ici créé n’amplifie pas le son mais le déforme. La pièce interroge ainsi la vanité de la parole proférée pour protester et du son assourdissant pour discipliner. Son instrument dirige la voix sans volonté de couvrir les sons alentour, sans prétention à faire taire.

Jérôme Girard fait échouer toute tentative d’effacement d’un son ou d’un cri derrière la force d’un autre. Il refuse la stridence, pour chercher la rencontre des vibrations sonores. Ses œuvres se mettent à l’écoute des sculptures, instruments, corps et voix qui les entourent. »







Ohm

2021

Platine vinyle, bol chantant, bois de tilleul, flight-case

40 x 45 x 35 cm

©Jérôme Girard