Mascarades

2024

Série de diapositives, costumes, instruments de musique

©Jérôme Girard

Réalisé avec le soutien du CAC Brétigny

« Dans plusieurs communes italiennes d’origine médiévale le mot « contrada » désigne une subdivision de la ville, dotée de son propre emblème et de son étendard. « La contrada OSNI » est le quartier général d’une fanfare futuriste fictive. Ce collectif de messager·ères porte des costumes à la mode extraterrestre et leur blason est inspiré des cieux étoilés. Plus que de simples trompettes et tambours, leurs OSNI (objets sonores non identifiés) produisent des sons audibles jusqu’à Pluton et leurs antennes captent à des années-lumière, défiant les lois de l’espace et de la matière.

Jérôme Girard mène à l’automne 2023 une résidence de co-création avec un groupe de CLAS (contrat local d’accompagnement à la scolarité) du Centre social d’Égly. Elles et ils sont les hérauts et les bruiteur·euses de cette fanfare à imaginer ensemble. Dans leur contrée, le folklore rencontre la science et les arts traditionnels accompagnent des expérimentations d’avant-garde. L’exploration de divers lieux patrimoniaux inspire l’artiste, les jeunes et leurs familles dans cette expérience collective de recherche et de création. Une visite du Donjon de Sainte-Geneviève-des-Bois, avec sa tour-pigeonnier d’héritage médiéval, permet de forger un imaginaire autour des tenues de la fanfare: une esthétique à la fois néo-médiévale et rétro-futuriste (un futur imaginé dans le passé, désormais obsolète).

Pour la création des instruments de ces musicien·nes amateur·ices, Jérôme Girard se nourrit de ses lectures sur les « instruments des ténèbres » étudiés par l’anthropologue Claude Lévi-Strauss dans ses écrits sur les mythes (Mythologiques, 1964–1971). Rattachés au folklore français—mais présents aussi dans d’autres traditions d’Amérique du Sud notamment—, ces objets sonores sont utilisés dans des rituels religieux ou païens, liés à la puissance de la terre ou à la météorologie. Considérés comme des «anti-instruments», leurs sons ne sont pas harmonieux mais bourdonnants. Tout au long de l’histoire, « faire du bruit » a été un moyen de contester l’ordre établi. Certains engins des ténèbres sont des objets usuels, comme des chaudrons ou sabots: on les retrouve de nos jours dans les « concerts des casseroles ». L’artiste souhaite inviter la fanfare à un « atelier de bruits », pour comprendre ensemble que ces derniers sont des formes importantes de son. Les participant·es inventent des instruments musicaux insolites avec lesquels chercher des nouveaux timbres en réutilisant et détournant des objets et matériaux quotidiens. Cette recherche est accompagnée par la visite des Structures Sonores Baschet à Saint-Michel-sur-Orge. La rencontre avec l’Instrumentarium—ensemble de sculptures réalisées dès les années 1970 par les deux frères et artistes François et Bernard Baschet—permet au groupe de se familiariser avec des créations sonores inédites.

La fanfare de « la contrada OSNI » est aussi dotée de complexes appareils pour écouter le brouhaha d’autres galaxies. Il n’est pas possible d’entendre les sons de l’univers avec le télescope de l’observatoire Camille-Flammarion de Juvisy-sur-Orge—dernière destination de ce voyage sur le territoire. Jérôme Girard montre cependant au groupe comment fabriquer des oreilles pour écouter le cosmos, inspirées des radiotélescopes—capables de capter les ondes radioélectriques émises par les astres—ainsi que des antennes et des paraboles qui peuplent notre environnement quotidien. Ainsi équipée, la fanfare est prête pour sa marche dans l’espace. »

Valentina Ulisse, commissaire


Vue de l’exposition hors les murs « Les conjugueuls #3 : Mémoires planétaires ». Commissaire: Valentina Ulisse. Espace Brel, Donjon de Sainte-Geneviève-des-Bois. CAC Brétigny, 2024. Photo: Pauline Assathiany.